[quote:5d19d8dae0]
Le président de la République l’a annoncé vendredi dernier à Avignon: après le peer-to-peer (P2P), il compte demander à l’Hadopi de s’attaquer au streaming, la diffusion de vidéos ou de musique en mode continu sur Internet, sans téléchargement, qui peut être illégale si le site qui les propose n’en a pas les droits. Ce lundi, Eric Besson, le ministre de l’Industrie, est revenu à la charge, indiquant qu’il se penchera sur les moyens de bloquer les utilisations illicites du streaming. Des moyens qui restent encore flous aujourd’hui. Si bien que le ministre a avoué lui-même sur LCI ne pas pouvoir dire si c’était possible techniquement. «Je ne dis pas que ça va se faire dans la facilité», a-t-il déclaré.
Par ailleurs, ni Nicolas Sarkozy ni Eric Besson n’ont été clairs sur les cibles d’une loi Hadopi 3. Ceux dont l’accès Internet a été utilisé pour consulter des sites de streaming illégal? Les plateformes sur lesquelles des flux seraient diffusés illégalement?
Le DPI, pour distinguer contenus licites et illicites?
Pour l’un ou pour l’autre, la manœuvre paraît délicate. Tout d’abord, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) estime que «le spectateur d’une œuvre, diffusée en streaming, sans l'autorisation des ayants-droit, ne se rend pas coupable de contrefaçon, même lorsque l'oeuvre est reproduite temporairement et partiellement dans une mémoire d’ordinateur et sur l'écran du spectateur». Autrement dit, regarder une vidéo en ligne, quelle qu’elle soit, n’est pas illégal. Si Nicolas Sarkozy souhaite s’attaquer aux internautes qui les regardent, un nouveau délit devra obligatoirement être créé pour pouvoir les condamner.
Autre difficulté, comment connaître l’identité d’une personne ayant consulté ce type de contenu? Il y a une différence entre un réseau peer-to-peer et un site Web. S’il est possible de collecter des adresses IP dans le premier cas, celles-ci sont totalement opaques lorsqu’un internaute regarde une vidéo sur un site et donc impossibles à obtenir de la même manière, aussi facilement. Alain Guislain, directeur de la société nantaise Trident Media Guard (TMG), mandatée par les ayants-droit pour collecter les adresses IP des internautes qui échangent des fichiers en peer-to-peer, a indiqué à 20 Minutes: «Les fournisseurs d’accès sont les seuls à pouvoir savoir ce que vous faites sur Internet. On ne voit pas comment les internautes qui regardent des vidéos en streaming peuvent être retrouvés sans que les FAI interviennent. Dans ce cas, il faudrait passer par le DPI.» Le DPI, pour «deep packet inspection», est une technique qui permet d’analyser des paquets de données individuelles qui transitent sur Internet et donc de connaître le contenu de tous les échanges sur la Toile. Elle permettrait ainsi de distinguer contenus licites et illicites. Cette méthode est controversée car elle soulève de nombreuses questions, comme celle de la vie privée. Jusqu’à présent, le DPI n’a pas été utilisé par l’Hadopi pour combattre le piratage, même si la Haute autorité semble s’y intéresser de près depuis 2010. Cela va-t-il changer avec Hadopi 3? La pilule passera difficilement, surtout lorsque la CNIL européenne parle de «techniques d’inspection très intrusives».
Le blocage complet de sites étrangers?
Dans un deuxième temps, si Nicolas Sarkozy souhaite s’attaquer directement aux plates-formes qui proposent du contenu en streaming dont elles n’ont pas les droits (Megavideo est ici en ligne de mire), il va devoir faire face à un autre obstacle. La plupart de ces sites n’étant pas hébergés en France, comment faire pour rendre leur contenu inaccessible pour les internautes français? L’une des solutions serait de bloquer purement et simplement ce type de service en faisant appel aux FAI, comme pour les jeux d’argent en ligne. Conséquence: si une plate-forme propose des contenus légaux et illégaux, elle risque de se voir entièrement bloquée. Pour éviter de la pénaliser, il faudrait alors procéder au filtrage, ce qui obligerait les FAI à bloquer certains flux. Or, lors de l’affaire CopWatch en octobre dernier, les fournisseurs d’accès français avaient confié qu’ils ne savaient pas comment faire pour ne bloquer que certaines pages, et que la technique du DPI, coûteuse, aurait été indispensable pour aller dans ce sens…
Enfin, ce genre de sites pouvant très facilement disparaître et apparaître sur la Toile, il est difficile d’imaginer qu’ils puissent être répertoriés de manière systématique, et donc bloqués.
Après le contrôle du P2P, celui du streaming, s’il intervient effectivement dans le futur, pourrait bien faire exploser le trafic des sites de téléchargement direct. Ces derniers permettent d’obtenir directement une chanson ou un film, qu’ils hébergent sur leurs serveurs. Depuis l’entrée de l’Hadopi sur la scène Internet française, c’est ce qui se serait passé pour Megaupload, qui a vu ses fréquentations augmenter. Car cette alternative illégale n’est, pour le moment, pas encore dans le collimateur de la Haute autorité.
[/quote:5d19d8dae0]
[b:5d19d8dae0]Source:[/b:5d19d8dae0] [url]hxxp://20minutes.fr/high-tech/827304-faire-taire-streaming-illegal-mission-impossible[/url]