Le hacker, un auteur dans la multitude - Florent Latrive

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Le hacker, un auteur dans la multitude - Florent Latrive

Postby HackAngel » Tue May 20, 2008 2:04 pm

[b:8aa9ad3ca7]Le hacker, un auteur dans la multitude[/b:8aa9ad3ca7]

Extrait de « Du bon usage de la Piraterie » par Florent Latrive

[b:8aa9ad3ca7]Livre complet (pdf en archive):[/b:8aa9ad3ca7] [url]http://www.freescape.eu.org/piraterie/decor/piraterie.zip[/url]

[list:8aa9ad3ca7] Cette situation absurde est dangereuse pour la connaissance et pour la culture ne se dénouera pas sans une modification du regard que la société porte sur les créateurs. Il y a urgence à trouver un mythe de remplacement au génie romantique, plus en phase avec la réalité, mieux à même d'incarner l'idée que la collectivité se fait de la culture et du savoir. Le hacker, ce programmeur talentueux venu du logiciel, a toutes les qualités pour s'imposer.

Le hacker ? A priori, pas de quoi remplacer Victor Hugo ou Pasteur dans l'imaginaire collectif. Le mot lui-même provient de l'anglais «to hack», tailler, hacher. Les étudiants du Massachussets Institute of Technology (MIT) l'utilisaient pour définir toute solution simple et astucieuse à un problème donné: informatique, bien sûr, mais pas seulement. Réussir à monter une réplique de l'avion des frères Wright sur le grand dôme de l'université est aussi un «hack» et celui qui parvenait à relever ces défis était un hacker. «Un hacker est quelqu'un qui réalise un travail intéressant et créatif avec une grande intensité. Cela s'applique à n'importe quoi, à l'écriture de programmes informatiques comme à la réalisation d'un mauvais tour malin qui amuse et réjouit tout le monde sur le campus», indique le site du MIT 20. Voici pour l'origine du mot. Mais les étudiants du MIT ont essaimé un peu partout aux États-Unis, emmenant avec eux le terme de hacker. Avec le temps, la définition s'est modifiée, au rythme auquel une communauté de gens de plus en plus vaste se définissait elle-même ainsi. Les blagues de potaches ont disparu (du moins à l'extérieur du MIT, où cette pratique est toujours vigoureuse), et le mot est désormais associé aux programmeurs doués qui «aiment explorer les détails de systèmes programmables et trouver comment étendre au maximum leurs capacités 21». Plus encore, les hackers affirment que «le partage d'information est un puissant bien positif» et qu'il est de leur «devoir moral de partager leur expertise».

Des sociologues et des philosophes se saisissent très vite de ce curieux personnage du hacker, afin de vérifier si cette figure ne peut être étendue à d'autres domaines que l'informatique. C'est ce que fait le finlandais Pekka Himanen en 2001 22. Après de nombreux entretiens avec les membres de cette étonnante communauté créative, il constate que «les mêmes mots reviennent toujours: la passion, le jeu, le plaisir, l'échange et le partage 23». Selon lui, bien plus que la technologie, c'est une éthique spécifique qui définit les hackers et «cela concerne toute personne qui crée du sens, des symboles ou de l'identité» pour peu qu'elle adopte une attitude d'ouverture face à sa propre créativité et reconnaisse son rôle d'individu au sein d'une collectivité. «On est loin de la culture du secret. Parce qu'ils ont une activité qui produit du sens, ils recherchent une reconnaissance de leurs pairs, qui passe par le partage du savoir.» Ce modèle est celui de la recherche scientifique, c'est aussi celui de nombreuses pratiques artistiques. Pour Himanen, le plus grand hacker de tous les temps est Socrate. La raison? «Toute son attitude, cette relation passionnée et modeste au savoir, son ouverture d'esprit, sa quête de directions intellectuelles non prévues: l'attitude des Grecs anciens est très similaire à celle des hackers d'aujourd'hui. Platon, son disciple, a fondé la première académie du monde occidental, et c'est le modèle de la recherche scientifique aujourd'hui.» Le mythe est prêt: le hacker est un auteur au sein de la multitude, mais un auteur avant tout. Son talent, voire son génie d'individu, est reconnu par ses pairs, mais il a conscience d'être redevable à la collectivité; sa créativité est avant tout animée par la passion, mais il veut la partager. Et comme il faut des figures emblématiques à un mythe, toute l'Histoire lui en fournit: de Socrate à Richard Stallman, en passant par Newton (ce «nain juché sur des épaules de géant», toujours) et Victor Hugo, qui passât la fin de sa vie à défendre le domaine public face à ses pairs accrochés à une conception toujours plus extensive du droit d'auteur. Victor Hugo est aussi une grande figure du génie romantique? Qu'à cela ne tienne: un nouveau mythe peut bien piller l'ancien. Certains hackers ont parfois tendance à s'infiltrer illégalement dans des systèmes informatiques pour fouiller là où ils ne devraient pas 24? Souvenons-nous: Mozart lui-même a dérobé le Miserere à la Chapelle Sixtine! L'éthique hacker ne fournit pas clef en main les moyens d'assurer la subsistance des auteurs? Le mythe du génie romantique non plus, et cela ne l'a pas empêché de coexister depuis l'origine avec de sordides histoires d'argent. Le hacker est un mythe, pas un reportage journalistique ou une enquête sociologique, il s'accommode très bien d'imperfections. Et il ne peut être jugé qu'à l'aune de sa faculté à mobiliser les énergies et à susciter de la créativité, comme l'a longtemps permis la figure du génie romantique.

Le hacker est le moteur, évidemment, du développement fulgurant des logiciels libres. Il suffit de voir avec quelle énergie les développeurs de Linux, Mozilla et autres programmes en libre accès défendent leur modèle. La recherche scientifique ouverte elle-même, menacée par l'obsession des brevets, réalise qu'elle a un modèle particulier de production de connaissance à défendre et se réfère de plus en plus explicitement au Libre, à l'open source et aux pratiques des hackers. Que dit le prix Nobel de médecine John Sulston lorsqu'il évoque les risques de privatisation du génome humain? Que «les données de base doivent être accessibles à tous, pour que chacun puisse les interpéter, les modifier et les transmettre, à l'instar du modèle de l'open source pour les logiciels 25». Dans le domaine culturel, c'est aussi en référence explicite au modèle des logiciels libres que le juriste américain Lawrence Lessig a inauguré le projet Creative Commons, destiné à accueillir textes, photos, films, chansons... sur le principe du libre accès et de l'échange. La licence juridique d'origine anglo-saxonne sur laquelle repose ce modèle est en cours de traduction en français, japonais, italien et chinois... Le ministre de la Culture du Brésil Gilberto Gil, artiste internationalement reconnu, lui a apporté son soutien politique et il a rencontré à plusieurs reprises l'ex-parolier des Grateful Deads John Perry Barlow, lui-même convaincu depuis fort longtemps de la force de la diffusion ouverte. La figure mythique du hacker est donc technique, scientifique, mais aussi latino et rock'n'roll. Que demander de plus?

[[i:8aa9ad3ca7]Note: je n'ai pas réintégré les notes de bas de page, je vous renvoi pour ce faire à l'oeuvre complète sous Licence Créative Commons[/i:8aa9ad3ca7]][/list:u:8aa9ad3ca7]

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Postby Skorm » Tue May 20, 2008 6:00 pm

Encore un post super interessant by HackAngel :D merci :D
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